1. Le fond du fond touché en 2024
Depuis deux ans, le nombre de transactions immobilières et les prix chutent. Cette année, les transactions devraient se situer autour des 750 000 (selon le CSN – Conseil Supérieur du Notariat) quand elles dépassaient largement le million en 2022. Même dynamique du côté des prix de l’immo.
Pourquoi ?
- 1. Dès 2022, la BCE a entamé une période de hausse de taux d’intérêt. En clair, quand les taux montent, le coût de l’emprunt augmente, donc la demande se contracte… et les ventes aussi.
- Les ménages qui avaient pris l’habitude d’emprunter à 1 % pour un achat immobilier ont vu le coût du crédit multiplié par 4 en l’espace d’un an. Aujourd’hui, le taux à 25 ans se situe aux alentours des 3,35 %.
Rappel : aujourd’hui, 60 % des achats immobiliers se font à crédit. Donc l’impact des taux sur l’immobilier est immense.
- 2. Baisse du pouvoir d’achat avec une baisse du salaire réel. L’inflation (plus forte que la hausse des salaires) a rongé le pouvoir d’achat des ménages qui ont utilisé une partie plus importante de leur revenu dans la consommation plutôt que dans l’investissement ou dans l’immobilier.
À noter : les banques préconisent une mensualité ≤ 35 % du revenu (les paiements mensuels pour rembourser les prêts immo ne doivent pas dépasser 35 % des revenus mensuels de l’ emprunteur). Si le salaire réel diminue alors la capacité d’emprunt diminue aussi…
Résultat : La baisse de la demande a fait légèrement baisser les prix des logements d’1,3 % selon l’indice des prix de l’immobilier (IPI), publié en septembre 2024. Et au niveau national, rien que sur l’année 2024, les prix ont chuté de 5 %.
- Le problème se remarque particulièrement sur le marché du neuf. Au 2e trimestre 2024, les ventes de logements neufs ont chuté de 8,3 % sur un an.
- Cerise sur le gâteau : Le nombre de logements neufs commercialisés a chuté au troisième trimestre 2024, pour atteindre son niveau trimestriel le plus bas depuis 2010 : « Jamais on aurait pensé tomber si bas » a déclaré P. Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Comment faire ? Quelques dispositifs ont été mis en place pour pousser à l’achat.
- PTZ (prêt à taux zéro) : un prêt immobilier sans intérêts pour aider les primo-accédants à acheter leur première résidence principale.
- Dispositif Pinel : permet aux investisseurs achetant des logements de bénéficier de réductions d’impôts en contrepartie de la mise en location du bien pour une durée déterminée.
- MaPrimeRénov’ : encourage à la rénovation énergétique pour éviter que des logements deviennent des passoires thermiques.
Bref. 2024 n’a pas fait le bonheur du marché immo. Et des facteurs structurels s’ajoutent, pour ne rien arranger (le vieillissement de la population, la démographie, les changements de modes de vie, les normes environnementales qui augmentent le coût de construction…).
2. La remontada
On a commencé à voir des signes de stabilisation et de reprise modérée à partir du troisième trimestre 2024, notamment dans certaines grandes métropoles.
Dans les faits : certaines régions ont vu les prix augmenter, notamment à Paris (+ 0,6 % en septembre). Et les biens ne devraient plus perdre de valeur dans les prochains mois, ce qui fait dire à tous les acheteurs qu’ils peuvent commencer à sortir le portefeuille.
- L’indice de tension immobilière, un rapport entre le nombre d’acheteurs et le nombre de biens à vendre, augmente dans les principales villes de France. En clair, il y a actuellement plus d’acheteurs sur le marché prêts à acquérir un bien immobilier que de vendeurs.
- En parallèle, le ticket des transactions augmente, selon Casavo. En 2023, on parle d’un ticket moyen de 517 000 contre 571 830 en 2024, soit une augmentation de 10 %.
Pourquoi ?
- Les taux ont baissé. Il y a deux semaines, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé réduire ses taux de 0,25 point de pourcentage pour la 4e fois de suite cette année. En clair, emprunter coûte désormais moins cher, ce qui profite au secteur immo.
- Au 3e trimestre 2024, des ajustements de la part des banques ont été faits pour les conditions de financement avec une légère baisse des taux immobiliers et un assouplissement des critères pour faire un emprunt.
Un peu de recul. On parle de signe de reprise et pas de fulgurance : selon la FNAIM (Fédération Nationale de l’Immobilier), le marché tend vers une “stabilisation”. A. Verlhiac, économiste chez Meilleursagents x SeLoger, parle d’un tournant après trois ans de baisse de l’activité.
- À noter : les disparités régionales persistent. Les hausses concernent essentiellement des métropoles comme Paris, Lyon, Bordeaux mais au niveau rural, la tendance reste en léger déclin.
D’ailleurs, l’Île-de-France sort du lot, profitant notamment de l’effet post-JO. La construction de sites, arènes, village olympique, mais aussi le rallongement de la ligne 14, favorisent l’attractivité de la capitale et de ses environs.
- Après les JO de Londres en 2012, le quartier Waltham Forest avait vu son prix augmenter de 122 % sur dix ans alors qu’il avait un réel déficit d’image.
Bref. Le marché de l’immobilier est un véritable paquebot qui bouge lentement. Tout ce qui est sûr, c’est que les taux baissent et que les salaires réels devraient augmenter la capacité d’emprunt des ménages sur l’année 2025.
3. Perspectives
À quoi s’attendre pour cette nouvelle année ? En 2025, un rebond de la demande est attendu… et il devrait se traduire par une augmentation des prix moyens de 2 % en 2025 et de 1,9 % en 2026 selon le CSN.
Comment ?
- Les baisses de taux débutées par la BCE en juin devraient se poursuivre selon les analystes – avec des baisses de 0,25 point de % sur ses deux premières réunions de 2025.
- Ce scénario pourrait permettre aux taux de descendre autour de 3 % sur 20 ans contre 3,83 % actuellement selon la Banque de France.
- Le tout, combiné à une hausse du pouvoir d’achat de 1 %, avec une augmentation des revenus. L’accès au crédit devrait donc être facilité.
Un peu de recul. Dans son dernier observatoire de l’immobilier résidentiel, le groupe BPCE table sur un rebond très limité en 2025.
- Les volumes de transaction sur l’immo ancien, en particulier, ne retrouveraient pas leur niveau de 2023.
- Du côté des logements neufs, la crise pourrait durer, avec un niveau historiquement bas de construction et un niveau élevé de faillite de la part des constructeurs selon A. Tourdjman, directeur des études au BPCE.
Pourquoi ? Si la France continue à faire un bouillon de légume avec ses finances publiques, elle risque d’inquiéter les marchés financiers qui demandent une prime de risque sur les obligations d’État.
- Le hic, c’est que les banques qui nous octroient des crédits utilisent les obligations d’État comme référence pour fixer leurs propres taux, puisqu’elles se financent aussi sur les marchés financiers. En clair, si elles doivent payer plus cher pour emprunter, elles répercutent ce coût sur leurs clients.
Et pour ne rien arranger : le dispositif Pinel, jugé trop coûteux et inefficace, pourrait disparaître en 2025 (dès le mois de mars). Cette niche fiscale devait soutenir l’effort de construction des promoteurs immobiliers, mais en réalité, elle attirerait surtout des personnes aisées qui cherchent des outils de défiscalisation, ce qui coûterait 7,3 milliards en dix ans à l’État…
Bref. Pour 2025, les investisseurs immobilier devront rester alerte puisque, comme le rappelle la FNAIM, « La baisse des taux se poursuit, mais à dose homéopathique […] et elle n’a permis de restaurer qu’une partie de la capacité d’achat des ménages, ce qui reste insuffisant pour une vraie reprise du marché. » Affaire à suivre…
Cet article HORS-SERIE est un extrait de la newsletter Aktionnaire. Pour vous inscrire : https://aktionnaire.com/page-daccueil